Cher Aoûtien,
Te voilà désormais en vacances ! Quelle bonne chose en apparence !
Alors tu décides d’emmener femmes et enfants en vacances, en Bretagne ou ailleurs pour respirer un air nouveau. Ah, le bon air de vacances, il se mérite : réserver un lieu de villégiature (bon ok, ça tu l’as fait en janvier), préparer les valises (ça, c’est madame qui s’y colle), les mettre dans le coffre, prendre la route un samedi, jour de foule, en restant zen parce que les enfants n’en peuvent plus de ces embouteillages et de ce trajet interminable, tout comme toi d’ailleurs ! Papa, quand est-ce qu’on arrive ? J’ai envie de faire pipi ! Maman, j’ai faim…
Après ces kilomètres avalés, tu prends possession de ton lieu de vacances, tu décharges ta voiture. Reste une étape importante pour bien démarrer la semaine : faire les courses…
Ah faire les courses. Là encore, tu te retrouves un samedi avec la foule pour remplir ton caddie, ta liste à la main, ou pas. Tu t’organises (maman reste avec les filles pour faire les lits, papa et fiston y vont) ou pas (toute la famille y va). Tu te coordonnes ou pas (mais pourquoi tu as pris ça, on avait dit non ! ou tiens, je n’ai pas pris ça, c’est quelqu’un qui a dû le mettre dans le chariot).
Après avoir fait le tour du magasin et rempli, bien rempli ton caddie, arrive le moment d’aller à la caisse, tu sais l’endroit où tu vas avoir une interaction avec une personne, un.e humain.e qui t’accueille avec le sourire (oui autant que possible), qui te dit : Bonjour Madame, bonjour Monsieur.
Et bien certains d’entre vous ne répondent pas !
Alors je me dis, il ou elle n’a pas entendu. Alors je te le redis quand je t’ai plus près de moi : Bonjour Madame, bonjour Monsieur !
Rien, pas de réponse, voire tu me poses une question dans la foulée pour noyer le poisson. Mais je ne suis pas noyée ! En revanche dépitée par ce comportement qui va de :
- toi monsieur de 65 ans environ, grand, qui me toise de haut et qui a visiblement une considération de la femme pas fameuse, surtout quand tu lâches voire jette ton billet de 100 euros devant moi plutôt que de me le donner en main propre
- vous, grands-mères, sur une autre planète, qui se chamaillent pour payer et ne pas oublier de passer votre carte de fidélité (au passage, vous avez saoulé les deux clientes à suivre qui ne se connaissent pas)
- vous, les étrangers qui, sous couvert de ne pas parler français, préfèrent ne rien dire, pas même bonjour en ayant un visage bien fermé
- toi, qui, fatigué.e par ta vie, avance comme un zombi
- toi qui cours déjà dans l’année et qui es encore pressé
- toi, qui…
Seulement voilà, tu choisis de passer à une caisse avec un.e humain.e. Alors tu sais, nous aussi, nous avons un petit coeur qui bat avec des émotions. Nous aussi, nous sommes parfois fatigué.es par notre journée face à notre écran, à soulever les packs de bières, les cubis de vin, les packs d’eau, les paquets de charcuterie qui sentent fort, les chips (bon ok ce n’est pas lourd), à répéter Bonjour, sourire, discuter un peu tout en scannant tes articles, t’aider à ranger, te saluer et passer au suivant…
Pour autant, on nous demande d’être poli.e, aimable quoiqu’il se passe. Alors oui, je peux faillir, avoir un mot, une réponse maladroite et je m’en excuse … Toi aussi bien sûr, mais quand je te revois dans la semaine et que rien ne change…
As-tu vu, en Chine, grâce à l’intelligence artificielle, ils finalisent un logiciel qui fait de la reconnaissance faciale pour mettre au point le meilleur sourire à avoir pour les caissier.res et qui sera standardisé. Oui, oui, tu as bien lu. Les caissier.res chinois doivent se préparer à tous.tes avoir le même sourire face aux clients… J’ose espérer que ça n’arrivera pas ici et que nous dirons stop !!!
Pour ma part, je fais déjà assez le robot comme ça en scannant les articles, j’ai juste besoin d’un peu d’interactions, de rires, pour casser cette routine et me rappeler que nous sommes bien des humains avec un joli coeur, porteur de cette étincelle divine magnifique…
D’ailleurs, je remercie celles et ceux avec qui je passe un bon moment : soit d’échanges, ou de rires parce que je fais une blague en venant de rebondir sur ce que vous échangez entre vous, ou parce que je recueille la parole d’une vieille dame qui a du mal à sortir et ranger ses courses (alors je l’accompagne jusque sa voiture pour l’aider), ou parce que tu as pris les devants et que tu me racontes une histoire te concernant, ou parce que nos yeux se rencontrent et plongent dans nos âmes qui se reconnaissent l’espace d’un instant, ou …
Anyway, merci grandement pour tout…