Balade dans une vallée de Tahiti - le 1er mai 2024
Jeudi 2 mai 2024
Continuer à vous partager ce qui m’habite, ce que je vis ici en Polynésie…
J’ai eu la chance hier d’aller faire une balade dans une vallée de Tahiti, qui s’enfonce au coeur de la montagne, dans un endroit peu connu.
Sortir de la route côtière pour prendre une route avec de beaux trous qui nous amènent à un chemin. Ça commence en chemin pour se transformer en piste praticable en quad, en 4×4, en scooter quand la pluie n’inonde pas tout.
Ce chemin longe la rivière souvent, des habitations aussi de plus en plus rares au fur et à mesure de notre avancée.
Nous arrivons au bout de ce qui est praticable pour notre voiture lambda : la rivière est à traverser avec des fonds plus ou moins profonds et réguliers.
Nous garons la voiture et commençons notre périple à pied.
Je l’appréhende grandement, n’ayant pas marché beaucoup depuis mon entorse à Raiatea il y a maintenant 5 mois. D’une part, parce que ma cheville n’est pas au top et douloureuse, d’autre part, parce qu’il n’y a pratiquement pas de sentiers de randonnées plats Je découvre que je n’ai pas pris les bonnes chaussures. On m’a dit des chaussures d’eau : je prends les savates que j’ai qui vont dans l’eau. Seulement, elles ne me tiennent pas aux pieds, c’est un genre de tongs.
Si le chemin est facile au début, même si je glisse et manque de perdre une chaussure en traversant la rivière, il devient moins praticable en avançant. Il devient surtout un des bras de la rivière quand celle-ci déborde. Nous marchons sur un lit de cailloux, galets, plus ou moins gros, parfois immergés, parfois au sec.
Deuxième passage de la rivière à traverser : le courant est beaucoup plus fort, il y a plus d’eau. Je manque encore de glisser ne voyant pas le fond. I. gentiment ramasse un bâton et me le donne pour m’aider à sonder et garder l’équilibre. La vallée est très verte, il y pleut fréquemment me dira un local rencontré. Des fleurs, de moins en moins de maisons, cabanes plus ou moins solides faites parfois de bric et de broc. Des poules, des chiens plus ou moins agressifs. I. me dit qu’elle s’en méfie car il y a peu, une personne qui se promenait seule, s’est faite agresser par des chiens et elle a perdu une jambe. Il y a sur toutes les îles beaucoup de chiens errants qui n’ont pas tous des propriétaires.
Avant toute intervention d’une brigade spécialisée, il y a une enquête faite pour retrouver le propriétaire du chien. S’il est retrouvé, tant mieux, sinon, le chien peut alors être ramassé et éventuellement euthanasié s’il a mordu une personne.
Après 45 minutes de marche et un nouveau passage de rivière à traverser encore plus large et plus profond, je décide de m’arrêter. Les 2 autres personnes m’attendent régulièrement, du coup, je ne m’arrête pas un instant pour ne pas les ralentir plus. Je sens que j’ai déjà bien marché et m’aperçois que je n’ai pas mal du tout ni à la cheville, ni au genou gauches. Quel bonheur ! Des mois, voire des années que ça n’était pas arrivé alors que je ne suis pas bien chaussée !!!
Je me pose un moment sous un arbre repéré auparavant avec une pierre dessous qui m’attend. Son ombre est confortable, il y fait frais et elle est totale. Quelques petits champignons à mes pieds que je prends en photo.
J’aime prendre des photos, poser un regard sur la nature, l’observer, l’admirer, partager ce que je ressens. Un joli moyen de communication, comme l’écriture, ou tout art, quand on y met un supplément d’âme. Alors la magie opère…
Je pose mon téléphone et médite, observe, regarde tout près, au loin, les montagnes, les cascades, les arbres ; j’écoute les sons, ressens l’air, plus frais dans cette vallée qu’en bord de mer, me chatouiller, parcourir mon visage et sécher ma tunique. Je salue l’arbre, les autres autour se manifestent en se mettant à bouger alors qu’ils étaient tous immobiles. Il finit par se manifester timidement. Quiétude, méditation avec le lieu. Je suis poussée à me retourner pour regarder l’arbre. Je découvre des pierres formant un cercle avec celle sur laquelle je suis assise. Je pose une question : suis-je sur un ancien marae ? Oui tout à fait. Ne t’en fais pas, tu es la bienvenue et tu es aussi protégée désormais, il ne peux rien t’arriver. Soulagée, je continue à observer. Je vois des esprits sur l’arbre (photo).
Après un bon moment, je décide de rebrousser chemin tranquillement en prenant des photos, ce que je n’ai pu faire à l’aller devant suivre les autres. Ici, une maison presque « normale » : une vraie porte, des fenêtres, des murs solides. Plus loin, une cabane sur pilotis ce qui a probablement pu lui permettre d’échapper aux inondations de mars. En revanche, tout autour, et proche d’elle, d’énormes troncs d’arbres charriés par la rivière, des déchets plus ou moins volumineux. Impressionnant ! Ici, la nature a une force incommensurable, à la hauteur de ces terres volcaniques d’origine et de cet océan puissant qui entoure chaque île.
Je prends aussi le temps de mettre les pieds dans la rivière. Elle est fraîche (toute proportion gardée quand on se baigne en hiver en Bretagne), transparente, semble épargnée par la pollution. Je me déchausse et en profite un moment.
Je croise un tahitien qui promène ses chèvres. Il en a une trentaine. Elles sont en principe attachées. Il les détache 3-4 heures par jour pour les promener ; des boucs, des femelles, des plus jeunes. Deux boucs croisent leurs bois, ça s’entrechoque, le monsieur se rapproche.
- Tu fais du fromage avec ?
- non, c’est pour la viande que je les ai. Je ne sais pas faire le fromage. Et puis il faut les traire tous les jours (d’un air de dire que c’est contraignant)
- Et ça a été pendant les inondations ?
- Ma voiture avait une roue dans le vide, car tu vois où elle est, la rivière était là (à 4 m du bord actuel).
- Et on vous prévient quand il y a un risque ?
- Non pas forcément. On écoute la météo. Et tu vois, quand les cascades sont toutes blanches (et parfois elles se rejoignent même là-haut), alors on sait que 3-4 heures après, on prend une grosse vague et qu’il faut faire attention…
Je continue à redescendre et attends les autres au premier gué les pieds dans l’eau à regarder l’eau virevolter selon l’emplacement des pierres. Elle chante fort, atténuant le chant d’un coq blanc me signifiant sa présence avec madame Poule, du haut de l’autre berge. Une fois que je lève la tête vers lui, il s’arrête et continue son chemin. Etonnant !
Retour à la civilisation de la côte, nous déjeunons dans une roulotte.
Ici, c’est une institution les roulottes. Ce sont des caravanes ou des cabanes dans lesquels on cuisine des plats locaux ou pas, de plus ou moins bonne qualité. Les restaurants étant chers, cela permet aux locaux de passer un bon moment convivial, sous un auvent assis à table. Là où nous allons, c’est bon et à un prix raisonnable. Nous y croisons une chanteuse connue dont j’ai oublié le nom (étant nulle en musique, préférant le classique), et un champion de surf.
Nous allons ensuite à la plage publique à côté, plage de sable noir. Heureusement, il ne fait pas trop chaud, le sable n’est pas brûlant. Ici, quand le sable noir est brûlant, les locaux mettent des chaussettes pour ne pas se bruler la plante des pieds. Ils mettent aussi des chaussettes dans leurs chaussures d’eau/méduses, pour se protéger les pieds quand ils marchent avec.
Discussions, nous partageons un peu de nos vies avant de rentrer après cette belle journée. Heureuse de celle-ci et d’avoir marché sans aucune douleur, une première depuis longtemps. Il m’aura fallu venir jusqu’ici pour mettre fin à ces douleurs persistantes. Ce voyage n’a décidément pas de prix même si…