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Vie et rencontres à Moorea

Samedi 4.11.2023

 Réveil matinal à 5h30, je ne me rendors pas. Il fait beau alors nous partons avec Elodie faire le tour de l’île à scooter. On passe chez le loueur de scooter pour voir s’il a un casque avec une visière. Il me donne un masque de ski transparent !!!  Je n’ai pas eu le réflexe de prendre une photo parce que j’ai un look génial qui nous fait beaucoup rire ! Arrêt à la foire agricole pour y prendre des légumes et des bananes. En repartant, la pluie arrive, nous continuons malgré tout jusqu’au Tiki Village, un lieu de traditions et d’artisanat. Nous arrivons juste à la fin d’une cérémonie de mariage traditionnel de deux popa’as (européens). Ils ont revêtus le costume traditionnel fait de feuilles tressées et de coquillages. Magnifiques !

Le tout est accompagné de musique et chants polynésiens. Une jeune vahiné avec un soutien gorge de demi noix de coco, deux musiciens, des chanteurs ; un cliché ? 

Une femme âgée nous interpelle, nous disant que la cérémonie est finie. Je lui pose des questions, elle nous répond avec bienveillance et gentillesse.

  • Combien de temps dure une cérémonie de mariage ici ?
  • 2 semaines : une avant et une après
  • Est-ce qu’il y a des rituels ?
  • Oui bien sûr
  • Lesquels ?
  • Par exemple le mari doit prouver son amour à sa futur femme. Celle-ci va se cacher dans la forêt et son mari doit la retrouver. La femme doit être purifiée par une vierge (femme qui est vierge et qui accompagne le prête pendant la cérémonie). Elle sert ainsi pendant 10 ans (de mémoire) avant de retourner à une vie « normale ». Purifiée car nous avons nos lunes et que la future mariée ne peut rentrer dans le temple impure, ça lui est interdit !!!

Cette magnifique tahitienne s’appelle Aimée. Elle nous partage aussi qu’elle est connectée aux requins et à la pluie. Je vois alors de l’émotion et des larmes aux yeux quand elle le dit. 

  • Pourquoi tu as de l’émotion comme ça quand tu en parles ?
  • Parce que je suis reliée aux requins et à la pluie
  • Ils te parlent ?
  • Oui et c’est fort. Quand je dis à un pêcheur qu’il ne doit pas prendre la passe (pour sortir en mer) et qu’il y va quand même, alors les pompiers doivent intervenir et ça peut être grave ! Je dois vous laisser pour accompagner les mariés.
  • Merci à toi pour ces partages, infiniment. Mauruuru, nana

Nous allons boire un pot face à la mer avec une vue magnifique alors qu’il pleut des déluges…

Nous rentrons déjeuner et retrouvons Lilian et Alicia qui passent une nuit au dortoir en tente. Nous discutons beaucoup de nos vies respectives et finissons l’après-midi par un jeu. Juste avant, le couple de missionnaire américains s’arrête pour discuter. Lui, un grand gaillard venant de Denver, habitant Hawaï, elle, sa femme, toute frêle, toute petite venant aussi de Denver. Ils sont là avec un groupe de 7 jeunes pour partager avec un pasteur, lire la bible dans les écoles, faire d’autres actions. Ils nous disent très vite qu’ils ne sont pas mormons. Grandes discussions de plus d’une heure sur les Américains et leurs façons d’être, entre autre. Couple étonnant qui parle beaucoup d’humilité, lui parle fort…

Costume du marié
Vue du restaurant du Tiki village

Dimanche 5.11.2023

Réveil encore matinal, il est 5h45.

Les premiers départs se font, ils sont 7 à partir.

Nous discutons avec Elodie une dernière fois avant de partir au culte pour moi, elle de continuer son voyage. Je vais au temple de Papetoai, le premier construit en Polynésie en 1813 à l’emplacement d’un ancien marae, lieu de culte traditionnel polynésien. Fait exprès par les missionnaires pour empêcher les tahitiens de continuer leurs « cultes » et les convertir à leur religion… Ce temple est en bois, octogonal en mémoire des 8 tentacules de la pieuvre fée de Papetoai. C’est un lieu de mémoire important, un lieu énergétique aussi.

J’arrive en plein culte car en retard. Je suis la seule popa’a et le culte est en tahitien. Je reste pendants deux chants et le sermon pour partir sur la pointe des pieds. Je ne me sens pas très à l’aise et ne comprends rien ; les chants sont sublimes, tout comme le cadre, au bord de l’eau.

Je rentre déjeuner et je fais du ménage dans le dortoir qui n’est plus aussi propre depuis que Jessica, woofeuse, est partie. Elle s’en occupait très bien, toujours de bonne humeur, un vrai rayon de soleil.

Isabelle passe et nous discutons.

  • Tu sais, il y a des bretons qui sont au Fare en retraite. Et Marie vient de Bretagne aussi
  • Marie, c’est elle qui anime la retraite ?
  • Oui elle habite à Raiatea
  • Elle est blonde, c’est Marie … ?
  • J’ai oublié son nom de famille, mais viens à 18h dîner avec eux, tu verras si tu la connais !
  • Ok merci beaucoup, à tout à l’heure

18h, je vais au Fare avec un bidon d’eau à remplir. Je suis en train de le remplir, de dos, quand j’entends Isa dire :

  • Regarde là-bas, je crois que tu connais cette personne !
  • Où ça ?

Et je me tourne. Oui, c’est bien elle !!!

  • Mais non, ouahhhh

Marie tremble et prend sa tête dans ses mains. J’ai des frissons partout, elle aussi, Isa aussi. On se prend dans les bras, c’est doux, c’est bon !!! Je suis en joie de ses retrouvailles improbables. Quel magnifique moment !!!

Je reste dîner avec le groupe après son accord. Un beau moment de partages. Gratitude immense pour ce cadeau.

Je devais être seule au dortoir et finalement Emmanuelle revient pour assister à la ponte des coraux qu’elle photographie pour le Criobe, ainsi que Monia et ses 2 ados, une tahitienne.

Quelle journée ! Je sens que ça bouge dans le bon sens même si je ne sais pas où je suis à la fin de la semaine… Gratitude immense !

Lundi 6.11.2023

Je me réveille avec les jambes en feu ! Les moustiques m’adorent depuis toujours. Epargnée les premiers jours, ce n’est plus le cas. J’ai probablement une réaction allergique. On m’a dit d’éviter de gratter pour que ça ne s’infecte pas à cause de l’humidité. Je pars à la pharmacie demander si ce sont des punaises de lit. Car ça me pique systématiquement quand je rentre dans le lit avec la sensation de petites bêtes. Apparemment, ce n’est pas le cas, ouf !

Je passe chez Groupama pour me renseigner sur les RC individuelles. C’est forcément jumelé à une assurance habitation…

Je rentre au dortoir et me pose pour écrire ; je retrouve enfin l’élan !

J’apprends dans la mi-journée, que le woofing prévu le 12.11 ne se fera pas. La famille est débordée, il y a trop de cérémonies. Je suis déçue car je me faisais une joie de les rencontrer. Une mère et sa fille dans la montagne de Raitea dans un petit coin de paradis. Je mets une annonce sur une page FB. Dans l’heure qui suit, j’ai deux propositions, une troisième en fin de journée. Je prends le temps de réfléchir et dis que je rappelle demain. Besoin de dormir dessus.

Discussion avec Emmanuelle qui m’explique qu’une équipe d’Océanopolis Brest est là au Criobe pour repartir demain avec des coraux. Décidément, la Bretagne revient fort en ce moment !!!

 

Mardi 7.11.2023

Nuit gâchée par un téléphone qui parle tout seul, je ne comprends pas. Je le mentionne au réveil à ma voisine de chambre qui me dit que c’est elle qui écoute un podcast pour « se calmer le cerveau » selon son expression ! Elle s’excuse.

Je téléphone à Heiata, une femme seule qui cultive la vanille, le café et le cacao en raisonné. Elle est prête à m’accueillir une première semaine et plus après si nous nous entendons bien. L’entretien est sympa, je vais aller chez elle. C’est son premier woofing, le premier pour moi aussi. Heureuse de cette perspective ! Hâte de découvrir et d’apprendre des choses.

Je vais ensuite faire des courses, me prendre du vinaigre de cidre pour ces boutons qui me démangent, prendre mon billet de bateau pour Raiatea. Je suis contente car je n’ai pas besoin de dormir à Tahiti, le bateau part à 6h de Moorea.

Déjeuner avec Emmanuelle, Monia et ses 2 ados de 15 et 11 ans. Ils nous parlent de la vie ici, plus particulièrement à Tahiti où Ange, 15 ans, va au collège. Elle nous raconte que certains élèves sont heureux d’y venir pour échapper à ce qu’il se passe à la maison : inceste, drogue, alcool, violence des parents. Parfois, certains n’ont qu’un repas par jour : celui du collège ! Elle nous raconte qu’il y a des « Ninjas », des groupes de jeunes tout de noir vêtus, avec de gros gants spéciaux. Ils rentrent dans le collège pour casser la figure des élèves au hasard ; ils les tabassent et les frappent à la tête avec plaisir ! Il y a manifestement beaucoup de violence à Tahiti ces derniers temps. Le prêtre en a parlé il y a 10 jours à la messe expliquant qu’ils avaient arrêté d’aider les démunis car c’était trop dangereux ! La police a beau être dans les parages, ce n’est pas forcément suffisant !!! L’insécurité est forte en ville autour de la cathédrale…

Nous sommes heureux de nos partages respectifs ; de mon côté, je leur parle de cerfs-volants fait avec mes enfants ; nous avons passé des heures de bonheur quand ils étaient plus jeunes pendant leurs vacances et les weekends. Un joli moment, je suis pleine de gratitude. Nous allons à la plage ensemble car il fait beau après des jours de pluie.

Des poissons magnifiques dans l’eau et spectacle sur l’eau aussi : des poissons volants, des tortues et peut-être un requin qui mange, il y a des éclaboussures…

Mercredi 8.11.2023

Réveil à 7h, enfin une grasse matinée, je me sens reposée.

Je joue avec les ados à un jeu de cartes. Ils aiment bien.

Je pars ensuite au Tiki village pour avoir plus d’informations sur « la maison du jouir ». Il s’agit d’une reproduction miniature de la maison de Paul Gauguin dans laquelle il vivait et peignait, entre autre. Il y faisait aussi venir de très jeunes tahitiennes pour assouvir ses plaisirs. Il était manifestement guère préoccupé par les questions de morale. Il a eu une fin tragique et dans la misère. Il se comporte en colon ordinaire, vindicatif à l’égard de l’administration, méprisant pour les « indigènes », porté sur l’alcool et sevré de chair juvénile… Il meurt de la syphilis et de l’abus d’alcool.

Je demande à l’accueil si une cérémonie est prévue : demain à 11h ! En joie de cette perspective.

Arrivée d’une jeune femme qui partage ma chambre : Laurena. Elle vient pour replanter des coraux avec un privé. Elle a un master en environnement et pleins d’idéaux et de volonté pour changer les choses. Elle va faire son expérience jolie minette (elle sera vite déçue et repart une semaine après)… Je passe l’après-midi au fare pour me poser et reposer.

Monia s’en va avec ses ados. Nous nous embrassons espérant nous revoir en décembre. En fin de journée, deux tahitiens arrivent pour passer la semaine ici. Ils sont là pour éradiquer les insectes des maisons : cent-pieds (un fléau mauvais, la piqure fait mal), termites (beaucoup aussi), fourmis, moustiques et nonos (petits moustiques tahitiens redoutables).

Les nonos sont de vrais charognards, particulièrement au lever et au coucher du soleil. Sous le vent d’un ventilateur, nous sommes un peu plus épargnés. Je suis la proie de ces insectes jusque dans mon lit, sous la moustiquaire. Sans exagéré, j’ai bien au moins une trentaine de boutons sur chaque jambe. Ils m’ont brûlé les premiers temps. J’ai fini par acheté du vinaigre de cidre bio (qui n’est pas trop cher ici) et je m’en badigeonne régulièrement. Ça apaise et fait la peau toute douce. Grand soulagement…

Si nous ne nous sommes pas parlés la semaine dernière avec les 2 tahitiens, nous avons aujourd’hui un bel échange avec l’un d’entre eux. Il me raconte que, enfants, ses parents n’avaient pas le droit de parler tahitien à l’école sinon c’étaient des coups de règles sur les doigts. Les parents et grands-parents étaient, ont été contents qu’il y ait eu des essais nucléaires à Mururoa. Il y avait des containers qui faisaient cinéma et ils recevaient cigarettes et alcool. Pour eux, c’était bien !

Chaque île a son patois et quand ils se retrouvent, ils parlent tahitien. Il me parle des missionnaires qui ont interdits leurs cultes, les tatouages, les chants. Les premiers étaient protestants, puis les catholiques sont arrivés. Le 1er temple et la 1ère église ont été construits à Moorea. Aujourd’hui, les tahitiens sont très croyants et il existe beaucoup d’églises différentes : catholique, protestante, évangélique, mormon, adventiste, témoins de Jehovah…

Il me précise aussi qu’à cette époque, seuls les missionnaires savent lire ; pas les tahitiens. Ils se transmettent les choses oralement…

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