Mardi 28 novembre matin, démarrage à 7h30 à la fraîche. Il fait beau, je commence par le jardin, puis les vitres à l’intérieur. J’entrecoupe avec le dépoussiérage des plafonds et je fais des pauses. Je réalise que j’aurai fini avant mercredi après-midi, je garde le nettoyage extérieur des vitres. Ma cheville se rappelle à moi. Je découvre d’ailleurs que j’ai un beau bleu sur le côté externe de la cheville gauche, jamais vu ; je me ménage pour la fin de la journée., les restes de cette belle chute dans la nuit à Raiatea.
O. et J. semblent satisfaits de ce que j’ai fait quand ils rentrent de leur travail. Lui travaille dans un dispensaire comme secrétaire, elle est institutrice.
Nous dînons ensemble ce qui donne lieu à de beaux échanges sur différents sujets :
- l’indépendance mais pas à n’importe quel prix
- l’adoption : il y a apparemment beaucoup de Popa’a qui viennent adopter des enfants polynésiens ; Il y a aussi dans les familles polynésiennes des adoptions (il existe un terme bien précis, le fa’a’amu). Les grands-parents se voient confier un petit-fils ou une petite fille parce que les parents ne peuvent pas s’en occuper. Aucun papier pour ça, ça reste un accord tacite au sein de la famille. Ce peut-être aussi chez un oncle ou une tante
- les Réré, ces hommes, élevés, comme des femmes, plutôt les derniers de la famille, pour aider les parents dans les tâches ménagères
- la tour des jurys pour les Jeux olympiques, qui divise la population entre les écolos qui veulent protéger le lagon et les autres…
Mercredi matin fin des tâches. Je lave les vitres à l’extérieur, ce qui me rafraîchit bien. J’ai aussi Clémentine, ma cadette, au téléphone dont je prends des nouvelles. Je suis heureuse de l’entendre.
Je repose mon pied l’après-midi et la soirée, il en a besoin. Dîner avec O. et J., nous discutons encore. C’est sympa, authentique et simple.
Jeudi libre, je vais chercher un scooter pour aller me promener. Quelques courses et je rentre déjeuner. Je repars l’après-midi pour aller à Tautira côte Est et trouver les pétroglyphes (des pierres gravées) indiqués sur la plan du guide . Arrivée à Tautira, la route s’arrête et devient une piste. Je croise un monsieur qui rentre chez lui et lui demande :
- sais-tu comment je peux aller voir les pétroglyphes ?
- tu ne peux pas aller jusque-là en scooter, car il y il y a des endroits où tu dois mettre les pieds dans l’eau, voir prendre un bateau. Le mieux est de prendre un guide.
Je rebrousse chemin après avoir admiré la vue un moment et je rentre.
Vendredi matin, je vais voir le jardin d’eau et la source pas très loin, sur l’île de Tahiti. Mon hôte me l’a conseillé. Un bel endroit ce jardin d’eau avec différentes plantes, fleurs et arbres, et des explications sur la façon de prendre soin des morts. Intéressant !
Le point d’envol des âmes :
La pointe Tata’a à Punaauia était aux temps anciens un des endroits les plus sacrés de l’île de Tahiti. Les tahitiens croyaient que c’était de ce rocher dénudé que les âmes des défunts plongeaient dans l’océan pour atteindre, par stages successifs, les régions délicieuses, situées au centre de la terre et comparables à notre paradis.
Selon les enseignements traditionnels, aussitôt après avoir quitté le corps, l’âme plongeait dans un bain d’eau froide dans l’une des sources qui jouxtent la pointe Tata’a, la source Punaau vai-aitu (dans les jardins de l’ancien hôtel Bel air), la source Vai-tuparere (baie de Vaitupa) et la source Vai-rai (jardin de l’hôtel). Elle se purifiait, se recueillait et faisait le bilan de son existence passée. Après quoi, elle voletait vers Tata’a située au Nord-Ouest de Tahiti à, la pointe actuelle de Fanatea. L’âme atterrissait généralement sur la pierre de vie, `ôfa’i ora, et pouvait alors retourner à son corps et reprendre vie. Par contre, si elle atterrissait sur la pierre de mort,`ôfa’i pohe, elle était à jamais séparée de sa dépouille mortelle et allait dans l’au-delà.
Il n’est donc pas étonnant que les anciens aient attribué le nom de Tata’a à ce lieu, taa signifiant d’une part se séparer, se détacher et d’autre part comprendre. L’atmosphère de calme, de paix, de sérénité qui y a toujours régné est nécessaire à l’effort intense de concentration de l’âme et conforme à la fonction de ce lieu.
L’âme du défunt s’envolait du haut de la colline Tata’a en s’élançant vers le mont Rotui sur l’île de Moorea où elle séjournait quelques temps avant de se diriger vers le mont Temehani sur l’île de Raiatea qui dissimulerait, selon les croyances, l’entrée du paradis et de l’enfer. Des gardiens, qui n’étaient autres que des dieux, indiquaient aux âmes la route à suivre. Le dieu Tü-tà-hôro’a contrôlait ainsi l’accès des sentiers du mont Temehani. Le sentier de droite, Pu oro’o i te ao, permettait d’aller au paradis (Rôhutu no’ano’a) et celui à gauche, Pu oro’o i te po , qui allait au cratère du Temehani, vers l’enfer (Pô auahi).
Des points d’envol dans chaque île
La pointe nord-ouest de chacune des îles de Polynésie est généralement réservée pour l’envol des âmes. Appelée Ke-Kaa (l’équivalent de Te-Taa, ou Ta-Taa) sur l’île de Maui (Hawaii), elle est plus souvent nommée Te-Rei-A-Varua, Rere-A-Varua, avec toutes les variantes linguistiques propres à chaque archipel : Renga-Vaerua à Mangaia (Cook Islands), Reinga-Wairua au Cape North (Nouvelle-Zélande), Leina Kauhane à Ka’ena (Oahu), Te Rerega à Mangareva (Gambier) notamment.
Les pointes situées au nord-ouest des îles de la Société sont abrégées aujourd’hui en Terei’a, comme celles situées dans la commune de Fitii (Huahine), de Patio (Tahaa), de Tevaitapu (Bora-Bora), de Taatoi (Maupiti), ou portent un nom lié à l’envol des âmes, comme Ti’a Ma’ue sur le motu Tiaraaunu à Tetiaroa. Toujours respectés par la population locale, tous ces lieux ont, jusqu’à ce jour, conservé leur état naturel.
L’absence de structures éthiques construites de main d’homme tels que marae, ou paepae témoigne de la volonté de réserver ces lieux à l’usage exclusif des âmes en partance. Cette « virginité » affirme ou confirme l’extrême sacralité du lieu, un lieu si sacré que l’homme n’ose pas y apposer sa trace. En effet, ces lieux ne font pas partie de Te Ao (le monde matériel, visible) mais de Te Pô (le monde immatériel, invisible)…
Je déjeune au McDo, où je découvre les proportions des burgers frites : C’est la taille XL !!! Envie de frites, je fais simple. Je m’installe sur la terrasse dehors. Il fait chaud, plus de 30°. Un chien errant arrive, la langue pendante, avec des bobos et des plaies sur le corps à plusieurs endroits. Il a faim et soif, c’est évident ! Une serveuse le voit et vient le chasser à coup de pieds jusqu’à ce qu’il parte. Il revient cinq minutes après, il trouve deux ados qui lui donne des frites.
C’est un vrai sujet ici, car les chiens errants sont nombreux. Parfois allongés sur la route, au bord, ou en meute, il faut alors s’en méfier. Ils peuvent traverser la route à tout moment, en courant ou pas, comme les poules et les coqs sauvages nombreux aussi. Certains sont vraiment en sale état et les associations n’arrivent pas à enrayer leur prolifération. La stérilisation coûte chère et ce n’est pas simple. Un vrai sujet comme aux Antilles et probablement dans les autres DOM-TOM.
Dans l’après-midi, je monte au belvédère pour voir le point de vue et découvrir la petite Normandie. On l’appelle comme ça car il y a des vaches, les seules sur Tahiti et une usine à lait qui fabrique les yaourts que l’on trouve dans les supermarchés. Ce n’est pas pour ça qu’ils sont abordables : 7 euros le paquet de 12…
Je suis invitée à dîner chez un jeune couple adorable. Ce sont les neveux et nièces d’une amie chère de ma maman, amie qui est en Bretagne. Je suis heureuse de ce moment d’autant que leur couple d’amis, habite à 300 m de là où je suis et passe me prendre. Je ne me voyais pas conduire en scooter dans la nuit.
Soirée animée de discussions diverses et variées. Leur ami monopolise pas mal l’attention, besoin de reconnaissance. Nous mangeons des galettes faites sur une Krampoutz (le bilig breton), je suis en Bretagne pour la soirée. En dessert, des mignardises de la meilleure pâtisserie de la ville qui fait du chocolat et de magnifiques desserts, certains au chocolat et caramel au beurre salé. Un régal ! Il est 23h30 quand je rentre de ce beau moment, je croise mes hôtes qui me disent qu’ils partent à Moorea rejoindre des amis pour le week-end. Ils me demandent de m’occuper des chiens et chats pendant ce temps-là, des poules aussi…
Samedi 2 décembre 2023.
Matinée à me reposer, j’ai besoin de rester au calme. La minette de la maison se laisse apprivoiser et caresser. Mon petit chat me manque et j’espère qu’il va bien.
L’après-midi, je pars à la découverte de la côte ouest. Pas beaucoup de plage ou alors on a de l’eau jusqu’au genou. Les locaux sont allongés dans l’eau, certains discutent. C’est souvent ça par ici pour la baignade. Je passe proche de l’endroit où se passeront les J.O. Grosse polémique toujours et encore ; Ils en parlent chaque jour à la télévision ! Il fait de nouveau chaud, beaucoup de polynésiens sont dehors les pieds dans l’eau ou discute en bord de route entre copains. De nouveau, la route s’arrête, impossible d’aller plus loin alors que le guide indique que la route fait le tour de l’île. Il n’est pas très fiable quant à la géographie des lieux. Ils ont mal positionné le jardin d’eau et les bains de Vaima. Je vous avoue ne pas être subjuguée par la presqu’île. C’est beau, c’est indéniable mais encore une fois peu de plages et pas grand-chose à faire une fois le tour réalisé. Je trouve Moorea bien plus belle et avec plus à découvrir.
Dimanche 3 décembre 2023
Journée à la maison. Des câlins à la minette et repos. Pas assez d’énergie pour écrire ou publier, je me sens fatiguée. Je lis des postes qui indiquent que les énergies du moment sont folles ! Je le sens bien, je ne peux rien faire. Dans l’après-midi je fais du ménage et prépare mes affaires. Je repars demain.
Lundi 4 décembre 2023
Levée à 6h pour me préparer et finir de ranger mes affaires. O. me dépose à la gare de bus à 7h15. Je suis la seule Popa’a et nous sommes nombreux à attendre (40 personnes environ). 7h30, le bus que je prends et qui m’amène à la gare maritime de Tahiti arrive. Il est quasiment plein quand je monte après avoir mis mon sac à dos dans les coffres. Deux heures pour faire 60 km entre les embouteillages et les arrêts fréquents à la demande. Parfois, il n’y a que 25 m entre deux arrêts. Je ne saisis pas tout et ce n’est pas grave. J’ai le temps, je regarde, j’observe encore et encore. Je vois ces maisons, parfois cabanes petites faites de toits en tôles qui ont rouillées. Je ne peux m’empêcher de penser à la pluie qui coule sur la rouille et qui va ensuite dans le sol. Je m’interroge sur la pollution du sol que ça peut engendrer. J’ai un œil tout aussi observateur en métropole. Quand allons-nous arrêter de produire et acheter des choses que nous ne pouvons pas recycler ??? Si nous nous mettons tous ensemble, nous aurions un pouvoir phénoménal…
Le chauffeur de bus, adorable, m’arrête juste devant la gare maritime, parce qu’il a vu que je suis chargée : mon sac à dos (ma maison), mon petit sac à dos (mon bureau) et mon sac de courses. Ce n’est pas un arrêt, il s’arrête dans la rue, au bord du trottoir. Les gens derrière attendent patiemment que je récupère ma maison et le bus repart. 20 minutes de battement pour prendre le ferry, acheter mon billet. Un homme de la compagnie vient à ma rencontre, me proposant de prendre mon sac à dos pour le mettre au frêt, c’est-à-dire qu’ils prennent en charge valises, sacs, objets encombrants en les mettant dans des chariots qui vont à bord. On les récupère à l’arrivée sur le quai, c’est très pratique. Bus jusqu’à la servitude de la pension où je vais : le fare Om où je retrouve deux jeunes que je connais : Avril et Thomas. De nouvelles têtes sont là, plutôt timide, il fait très chaud. Encore une fois, je reste au fare pour écrire et être au frais…